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26 octobre 2007

Bintou Wéré, encore une histoire de visa

Premier Opéra africain à Paris
Bintou Wéré, encore une histoire de visa

Ce soir, c’est la toute première représentation de Bintou Wéré, « premier Opéra africain » comme le vante fièrement la publicité. Vendredi 25 octobre, le théâtre du Châtelet (Paris) a résonné aux sons envoûtants des kora et balafons. La salle mythique des Césars était comble.

Les musiciens surgissent d’un peu partout dans la salle sombre. Tous convergent vers l’orchestre. Ils s’installent, commencent à jouer. Percussions, flûte traversière ngoni, socu (violon traditionnel bambara), kora enchanteur... Pour certains, les larmes se mettent à couler d’elles-mêmes. Les sons qui émanent de l’orchestre, mené par Zé Manel Fortes, résonnent dans le Théâtre du Châtelet, s’élèvent dans les airs, et tapissent les murs et les oreilles de la salle... un parterre d’Occidentaux est à l’écoute, du gratin au rez-de-chaussée aux jeunes surexcités du 5e étage, qui se dévissent la tête pour apercevoir un bout de tissu (pour les places les moins chères, on ne voit rien...). Les musiciens transportent leur public, le font vibrer de tout son être. C’est jouissif. Le rideau se lève, le Sénégal a la parole, le temps d’une représentation de 105 minutes.

La pièce relate l’histoire de Bintou Wéré, une jeune enfant soldate démobilisée après l’indépendance. C’est sur la place publique qu’elle révèle que tous les hommes du quartier lui sont passés dessus. Les détails ne manquent pas, elle accuse en pointant un danseur du doigt : « Toi, membré comme un âne, tu m’as fait si mal... ». Heureusement pour nos oreilles, c’est en wolof. Car chanté façon comédie musicale, ça prend d’emblée les couleurs d’une parodie d’Opéra. Peut-être que la traduction française est mal appropriée... Les danseurs semblent mimer à ce moment de longues trompes se balançant d’avant en arrière. Le théâtre du Châtelet rit... C’est pathétique. L’Africain a un sexe surdimensionné, même nos explorateurs du XIXe le disaient, alors... Le colon dira qu’il n’avait d’ailleurs que ça pour lui : son physique puissant, propice à l’esclavage.

La jeune Bintou Wéré annonce qu’elle est enceinte, mais ignore qui en est le père. Une dizaine de gaillards revendique la paternité. Un homme arrive au village, profite de la situation. Grâce au droit du sol, il prétend distribuer des visas à la mère et aux pères si l’enfant naît à Melilla, en Espagne. Le passeur propose de les aider à traverser le désert, contre tout ce qu’ils possèdent. Et mince... encore une histoire de course au visa, de clandestinité, d’hommes et de femmes qui cherchent à fuir leur pays... pour les barbelés de la forteresse Europe. Pour un vendredi soir au théâtre, ce n’est pas très dépaysant. N’y a-t-il rien d’autre en Afrique qui puisse être donné en cadeau à ce public essentiellement « gaulois », les oreilles et la bouche ouvertes, prêts à témoigner dès sa sortie de ce qu’il a vu ?

Déception. La musique est ensorcelante, les costumes magnifiques, les voix aussi... Pourquoi avoir choisi un tel scénario ? Pourquoi se faire l’écho encore et toujours de l’image véhiculée par les media français ? Qu’ont appris ce soir les spectateurs de Bintou Wéré ? Rien. Si ce n’est que les danses et chants du Sénégal vont comme un gant au genre de l’Opéra. Dommage.

Bintou Wéré, un opéra du Sahel
Créé le 17 février à Bamako au Mali
Création française
Sur une initiative de la Fondation Prince Claus des Pays-Bas
En co-production avec la République du Mali et le Théâtre du Châtelet

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